Le gouvernement a mis en place un dispositif relatif à l’entrée à l’université, renforçant le rôle du lycée en matière d’orientation. Michèle Coirier, 1ère vice-présidente du Snceel, revient sur les mesures visant à accompagner les lycéens vers l’enseignement supérieur.

 

Quel regard portez-vous sur les mesures concernant l’orientation au lycée ?

Michèle Coirier : Nombre de ces mesures existent déjà et les lycées font déjà beaucoup de choses pour améliorer les liens entre lycées et universités. On nous demande d’organiser deux semaines d’orientation mais beaucoup de lycées organisent déjà ce genre de rendez-vous. De la même façon, beaucoup d’établissements privés se sont rapprochés des universités permettant à leurs élèves d’être accueillis dans les cours de licence. Quant à la mesure qui consiste à solliciter des « étudiants ambassadeurs » pour venir dans les lycées expliquer comment fonctionnent les universités, nous n’avons pas attendu le ministère de l’Enseignement supérieur pour la mettre en place en sollicitant nos anciens élèves. Rien dans ce qui a été annoncé ne va révolutionner les pratiques.

Le ministère de l’Éducation nationale et celui de l’Enseignement supérieur ont aussi prévu que le conseil de classe donne un avis systématique sur chacun des vœux des élèves, qui sera transmis aux universités. Il y a là une grand nouveauté…

Michèle Coirier : Si la réaffirmation du rôle du conseil de classe de terminale en matière d’orientation est en soi une bonne chose, on regrettera que les modalités de mise en œuvre n’aient pas été anticipées. Comment imaginer qu’un conseil de classe qui dure entre une heure et deux heures puisse se prononcer sur chacun des vœux émis par les 30 élèves – voire davantage – que peuvent compter certaines classes ? Sans doute les établissements vont-ils avoir à faire preuve d’inventivité… sous peine de voir les conseils de classe donner indistinctement un avis favorable à une grande majorité des demandes des élèves…

Et les deux professeurs principaux dans chaque classe de terminale ?

Michèle Coirier : On peut ici encore se féliciter de l’idée que chaque classe de terminale dispose de deux professeurs principaux pour qu’ils consacrent plus de temps à l’orientation. Reste que, dans la réalité, cela sera sans doute un peu compliqué. À cela s’ajoute le fait que tous les enseignants ne se sentent pas nécessairement outillés et formés pour assumer cette mission.

Quelles sont les préconisations formulées par le Snceel dans ce champ ?

Michèle Coirier : Une «bonne» orientation des lycéens doit être pensée bien en amont de la classe de terminale, et les professeurs principaux de seconde et première le savent très bien. Par ailleurs pour que ce continuum pédagogique bac-3 bac+3 que le ministère appelle de ses vœux se mette vraiment en place, il convient de revoir l’organisation du lycée en voies de formation et séries qui se sont, au fil des ans, excessivement spécialisées, comme l’a souligné Alain Boissinot lors de la session d’automne devant les délégués académiques.

Durant les années de lycée, on pourrait, par exemple, imaginer des modules, d’environ un semestre que les élèves choisiraient et qui leur permettraient de se spécialiser progressivement dans certaines disciplines. En cas de «fausse route», ils pourraient ainsi plus facilement se réorienter. C’est d’ailleurs ce qui se pratique dans certains pays européens. C’est aussi ce que prévoyait la vaste réforme du lycée engagée par Jean-Paul de Gaudemar à la fin des années 2000. Réforme qui a été écartée au profit de la «réformette» inspirée du rapport du médiatique ancien directeur de Sciences po, Richard Descoings. On peut espérer que la réforme engagée par Jean-Michel Blanquer et confiée à Pierre Mathiot aille dans ce sens, et nous lui faisons confiance.