Les résultats insuffisants de l’École française pour la réussite de tous les élèves, les impasses que rencontre aujourd’hui son pilotage centralisé plaident pour davantage d’autonomie des établissements scolaires. C’est d’ailleurs la voie dans laquelle se sont engagés, depuis les années 80, de nombreux pays développés qui sont acquis à l’idée que c’est de la base et non du sommet que l’École peut progresser. Ils ont tiré la leçon de l’échec des réformes successives imposées d’en haut.
Reste que si le top-down a montré ses limites, il serait illusoire de croire aux vertus d’un changement bottom-up spontané.
Comme l’a rappelé Monica Gather Thurler, un établissement plus autonome n’est que potentiellement une entité favorable au changement. Pour que les établissements soient des lieux privilégiés d’un développement de la qualité de l’École à même de faire réussir un maximum d’élèves, certaines conditions doivent être réunies. L’administration centrale doit se contenter de fixer des règles générales et laisser aux établissements une marge de manœuvre en matière de fonctionnement, de gestion des ressources éducatives et financières, de définition et de mise en œuvre du curriculum… Il convient ensuite que soit installé, au sein des établissements, un certain mode d’exercice du pouvoir, où le leadership prend appui sur les acteurs et les met en mouvement autour d’un projet élaboré de concert avec des visions partagées. Il convient enfin d’ajouter une organisation du travail qui mise sur la coopération professionnelle au sein de l’établissement pour investir les espaces de liberté évoqués ci-dessus, voire en négocier d’autres en fonction des besoins de l’école, du collège ou du lycée et de l’état de leurs pratiques.
Cette autonomie ne va pas – comme l’ont rappelé Soazig Le Nevé et Bernard Toulemonde dans leur ouvrage Et si on tuait le Mammouth ? Les clés pour (vraiment) rénover l’Éducation nationale – sans responsabilité et sans ce que les Anglo-saxons ont dénommé accountability. L’autonomie a en effet une contrepartie : l’obligation, pour les établissements, de rendre compte de ce qu’ils font de leurs marges d’action. Une obligation d’autant plus prégnante, a souligné Claude Thélot dans son intervention devant les mandatés du Snceel réunis en session de printemps, qu’il faut informer les usagers et l’opinion sur l’état du service public d’éducation, sur sa qualité, son fonctionnement, son coût et surtout corréler les résultats à l’efficacité financière et pédagogique.
L’évaluation informe les acteurs du système sur ces mêmes éléments, permet de les mobiliser au service de la réussite de tous les élèves et développe la valeur ajoutée des établissements.
Le Snceel ne peut que plaider pour davantage d’autonomie et c’est bien parce que nous sommes responsables que nous souhaitons une évaluation qui ne juge pas les personnes mais qui donne au chef d’établissement des indicateurs sur l’efficacité des pratiques de l’établissement qu’il dirige.
Jérémy Torresan
Modérateur