Un geste obscène et des propos orduriers un soir de résultats à Hénin-Beaumont, un pompier frappé alors qu’il tente de protéger des personnes d’un sinistre volontaire, des idiots expliquant que l’abstention ne cible qu’un seul candidat et non l’ensemble des propositions du premier tour d’une élection présidentielle… Autant de signaux forts qui démontrent le recul significatif de l’intelligence dans notre pays. Le bon sens n’est certainement plus la chose la mieux partagée en France, au vu du score agrégé des populistes.

Il convient alors de s’interroger sur les causes d’une telle faillite, au-delà des seuls talents réels de quelques bonimenteurs.

L’École n’est pas responsable de tous les maux de la société et ne peut certainement pas tous les combattre. Mais s’il est une vertu qu’elle doit conserver, c’est bien sa capacité à développer l’esprit critique, afin de permettre l’autonomie cognitive des futurs citoyens que sont les jeunes accueillis dans les établissements scolaires. Or, l’esprit critique ne se forge pas au contact d’une idéologie rabâchée, mais bel et bien au travers de l’exercice d’un raisonnement individuel, s’appuyant sur un socle de culture et de compétences dispensé avec une rigueur scientifique.

Si le socle peut être commun, pour faire nation, le raisonnement doit être, quant à lui, un entraînement individuel, pour ne pas faire troupeau. En mettant 32-35 élèves par classe avec des programmes aussi vastes que superficiels, le choix du traitement de masse est fait. Effectuant un remplacement il y a deux ans, faute de trouver un suppléant en mathématiques – on sait bien pourquoi – j’ai été frappé par le travail d’abattage qui est demandé aujourd’hui. Exit l’approche contradictoire et la démonstration, fini le temps de l’approfondissement passé les quelques exercices d’application… chapitre suivant svp. Quand j’entends les collègues de lettres, d’histoire ou de philosophie tenir les mêmes propos quant à leur relation au groupe et aux contenus, je me demande bien où un jeune peut exercer son esprit critique. Probablement sur les réseaux sociaux…

Il est grand temps de donner aux enseignants les moyens de travailler autrement avec leurs élèves et pas simplement en grande section de maternelle ou au CP.

Vous trouvez que ça coûterait trop cher ?

Vivien JOBY
Président du SNCEEL