Catherine Redon
Première vice-présidente
La liberté d’éducation et le contrat d’association ont été au cœur du débat organisé le 16 octobre dernier au Sénat à l’invitation de la sénatrice Annick Billon. L’occasion, pour les administrateurs et les délégués académiques de l’organisation professionnelle, d’apporter, dans cette assemblée des sages, des réponses et des éclairages concrets aux détracteurs parfois mal informés des spécificités de l’enseignement privé sous contrat.
Est-ce en stigmatisant les établissements performants qui répondent à ce qui est attendu d’eux à un coût moindre pour les contribuables, que l’on pourra remédier aux maux de notre société ? a interrogé Jérémy Torresan en ouverture du débat. El le président du Snceel de pointer les éléments du privé bashing que l’on peut lire dans la presse ou entendre sur les ondes : moyens, mixité sociale, subventions aux établissements, investissements immobiliers.
La liberté d’enseignement : une liberté essentielle
Jérémy Torresan a réaffirmé que la liberté de choix des familles est un droit constitutionnel. Pour le président du Snceel, ce choix est libre. Il a un coût, les familles le savent et l’acceptent. Par ailleurs, si le privé sous contrat scolarise des élèves, c’est, précisément, parce que ces mêmes familles le reconnaissent. C’est aussi parce que les services d’éducation et d’instruction portés, dans ses réseaux, par des projets d’établissement clairs sont assurés et jugés performants.
Pour Annick Billon, (Sénatrice Union centriste de Vendée, membre de la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport), ces attaques contre l’enseignement privé sous contrat ne solutionnent en rien les difficultés importantes que rencontre l’enseignement public actuellement dans sa mission d’ascenseur social. Elles s’inscrivent dans la « guerre » privé public qui date de 1950 qui a opposé les tenants de la laïcité à ceux qui défendaient la liberté pour les familles de choisir l’École de leurs enfants et qui ressurgit régulièrement dans notre société. Pour la sénatrice, les attaques à l’encontre de l’enseignement privé sont relancées par « le contexte politique actuel.
Annick Billon a rappelé les enjeux de la loi Debré qui, en 1959, a institutionnalisé officiellement l’enseignement privé. L’existence d’un enseignement privé à côté de l’enseignement public est légitimée comme l’expression d’une liberté essentielle : la liberté d’enseignement.
Laurent Lafon (Sénateur Union centriste du Val de Marne, président de la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport) a expliqué que la commission qu’il préside est attachée à l’esprit d’initiative et a le souci de favoriser les projets qui permettent de développer l’autonomie des établissements en tenant compte de la réalité des territoires. Il serait préférable, a-t-il confié, de chercher à résoudre les difficultés dans l’enseignement public plutôt que créer des problèmes à l’enseignement privé sous contrat.
L’enseignement privé sous contrat et les médias
Les chefs d’établissement ne se retrouvent pas dans la description qui est faite, dans les médias, de l’enseignement privé. Ainsi, Matthieu Gautier, administrateur, a rappelé que le profil moyen d’un établissement privé sous contrat, c’est un effectif de 424 élèves au collège et 372 au lycée.
Quant au positionnement social des élèves, il est tout autre que celui qui est mis en avant met en avant dans la presse ou sur les ondes : 1229 des écoles privées sous contrat ont un indice inférieur à l’IPS des écoles françaises, même constat pour 302 des collèges, et 284 des lycées.
Enfin Mathieu Gautier a témoigné de la contribution de l’enseignement privé à la mission d’éducation dans la commune rurale de Mayenne où est implanté l’établissement du premier degré qu’il dirige : l’école y est en effet le dernier service public. L’école organise, avec la municipalité, le périscolaire, et, dans ce cadre, la mixité est intégrale sans discussion aucune.
Le privé sous contrat et le privé hors contrat : deux réalités bien différentes.
Catherine Redon, première vice-présidente, a rappelé la réalité du paysage français en matière d’éducation. Il existe des établissements publics, des établissements privés sous contrat et des établissements privés hors contrat également dénommés aujourd’hui « indépendants ». Ces derniers n’ont pas de contrat avec l’état au sens défini par la Loi Debré.
En 2024, on recensait 2275 établissements maternelles, primaires, collèges et lycées libres auquel il convient d’ajouter 300 établissements professionnels. Leur existence est régie par le Code de l’éducation qui définit le cadre juridique auquel ils doivent se contraindre. Ne bénéficiant pas de subventions, les frais de scolarité et de fonctionnement sont principalement à la charge des familles.
Quand les médias pointent l’insuffisante contribution de l’enseignement privé à la mixité sociale et culturelle, il faut, pour la première vice-présidente, se garder de confondre privé sous contrat et privé hors contrat. Les établissements qui relèvent du privé hors contrat sont onéreux pour les familles et les diplômes qu’ils délivrent ne pas toujours reconnus par le ministère.
Dans un avenir proche, les politiques devraient se soucier du développement de ces structures qui, de l’école à l’enseignement supérieur, augmentent de façon exponentielle et scolariseront bientôt 1 million d’élèves.
L’enseignement privé sous contrat et la laïcité
La République, a rappelé Sophie Martinez, vice-présidente, garantit la séparation des institutions publiques et des organisations religieuses. Elle assure également la liberté de conscience, permettant à chacun de croire ou de ne pas croire, sans pression ni contrainte.
Dans ce contexte, l’enseignement privé sous contrat participe au service public d’éducation qui a pour mission d’assurer à tous les élèves un accès équitable à une éducation de qualité, sans distinction d’origine, de croyance ou de statut social. Il occupe toutefois une place particulière en offrant une alternative éducative qui respecte les valeurs de la République tout en intégrant des principes éthiques et moraux issus de la tradition chrétienne. En effet, l’enseignement privé sous contrat est reconnu pour ce que l’on nomme son « caractère propre ». Celui-ci se manifeste par une vision de l’homme issue de l’anthropologie chrétienne et dans une pédagogie qui prend sa source dans ses mêmes valeurs chrétiennes et s’inscrit dans une invitation à la découverte et au dialogue. De ce fait, l’enseignement privé sous contrat respecte la diversité des opinions religieuses favorisant ainsi un environnement dans lequel chaque élève, quelles que soient ses convictions personnelles, peut s’épanouir.
L’enseignement privé sous contrat : un bon élève
L’enseignement privé sous contrat est bon élève victime de harcèlement, a déploré Antoine Deprecq, vice-président. Bon élève, l’enseignement privé sous contrat réfléchit aux meilleures solutions, applique les réformes, met en œuvre des projets innovants, dans le but de faire évoluer ses pratiques pour le bien des élèves et de répondre aux injonctions ministérielles. Il a largement participé à la mise en place des réformes du collège, du lycée, de la voie professionnelle. Il a mis en œuvre les pactes. Il s’est adapté aux réformes de la formation des maîtres. Il participe largement chaque année à l’organisation des examens : ses établissements sont centres d’examen et ses enseignants participent à la passation et à la correction des épreuves. Les rapports des IPR et IEN sont d’ailleurs très souvent très favorables au privé sous contrat, attestant des bonnes pratiques pédagogiques menées dans ses établissements. Pratiques parfois copiées allègrement !
La très forte implication dans le dispositif d’évaluation des établissements scolaires publics ou privés sous contrat d’association mis en place par la loi pour une École de la confiance de 2019 constitue, pour François Bégards, vice-président un autre exemple des pratiques vertueuses de l’enseignement privé sous contrat. Un dispositif qui articule deux phases – auto-évaluation et évaluation externe – qui, dans le privé sous contrat, se réfèrent au contrat d’association avec l’État qui reconnaît leur caractère propre et leur projet éducatif spécifique. Depuis quatre ans, un très grand nombre d’établissements privés sous contrat, accompagnés par le Snceel quand ils le souhaitaient, sont entrés dans le processus d’auto-évaluation.
L’enseignement privé sous contrat : un observatoire/laboratoire pédagogique
L’enseignement privé sous contrat est aussi riche d’innovations pédagogiques, a témoigné François Bégards.
Ainsi en matière de temps scolaire ! Depuis plus de dix ans, la Cour des comptes pointe l’incohérence et le coût du temps scolaire français – tant celui des professeurs ou que celui des élèves – et conseille son annualisation. L’article R 422-39 du Code de l’éducation précise que le chef d’établissement est responsable de l’organisation de la vie scolaire. Dans l‘établissement qu’il dirige, l’année est répartie en trois périodes inégales, soit trois emplois du temps pour vivre un quotidien cohérent : deux fois 1,5 heure le matin, une pause méridienne de 2 heurs et deux fois 1,5 heure l’après-midi. Une durée qui fait la part belle à des pauses attentionnelles, des réactivations, des aménagements… Un dispositif qui n’a rien coûté à l’établissement et à l’État.
Autre exemple avec la fin des conseils de classe. Fini les réunions informelles, obligatoires et dénuées de sens de fin de période et place aux entretiens conseils où l’élève se retrouve au cœur de son appréciation générale. Fini le professeur principal qui propose seul une appréciation et place à un véritable travail collaboratif et équitable pour chaque membre de l’équipe enseignante. Un dispositif légitime et cohérent qui fait la part belle à l’implication de tous au profit de chacun et qui, là encore, qui n’a rien coûté à l’établissement et à l’État.
Autre exemple des initiatives dont l’enseignement privé est porteur, celui qu’a explicité Sophie Auphan, administratrice, avec la mise en place de microstrutures (collège et lycée) qui accueillent des élèves qui ont perdu le plaisir d’apprendre en collectivité et souffrent de phobie scolaire. Rompant avec le cadre scolaire classique et son approche rigide à la temporalité, à l’espace et à l’environnement, la microstruture permet aux élèves de retrouver le goût des études.
Le coût de l’enseignement privé sous contrat
L’une des attaques récentes à l’encontre du privé sous contrat concerne le coût réel d’un élève scolarisé dans ses établissements et le coût du même élève scolarisé dans un établissement public. Qu’en est-il, dans les faits, des subventions aux établissements que celles-ci soient versées par l’État ou les collectivités territoriales ? a interrogé Philippe Praud, secrétaire national.
Côté État, le coût d’un élève du premier degré scolarisé dans le privé représente en moyenne 53% du coût d’un élève du public. Dans le second degré, le coût d’un élève du privé représente en moyenne 60 %du coût d’un élève du public. Les communes, de leur côté, dépensent 2 678 euros pour un élève scolarisé dans le premier degré public versus 876 euros pour un élève du privé. Pour les départements et régions enfin, le coût moyen d’un élève public s’élève à 2 321 euros versus 692 euros pour une élève du privé.
Et les parents d’élèves ?
Hélène Laubignat, présidente de l’Apel nationale, a réaffirmé l’attachement des parents à la liberté de choix en matière d’éducation et d’instruction pour leurs enfants.
Elle a rappelé avec force et conviction les principes posés par la loi Debré et le droit fondamental des Français à choisir leur école pour leurs enfants. Ce droit ne saurait être remis en question, sous peine d’« un nouveau 1984 ».
Hélène Laubignat a, par ailleurs, souligné que les parents qu’elle représente sont favorables à la mixité, mais qu’il convenait d’agir sur l’équité des contributions des familles, certains services représentant un coût énorme pour les parents. La restauration est ainsi dans l’enseignement privé sous contrat est à la charge entière des familles, ce qui constitue un frein bien réel à la liberté de choix des familles et donc une limite évidente à la mixité.
Les contrôles de l’État sur l’enseignement privé sous contrat
S’il a été largement question de liberté, il était important d’exposer clairement les contrôles auxquels l’enseignement privé sous contrat est soumis, dans le cadre justement du contrat d’association.
Léa Poignet, salariée des services nationaux, a rappelé qu’en amont de l’ouverture d’un établissement, l’État vérifiait que les conditions requises pour être chef d’établissement (capacité, nationalité, diplômes…) étaient remplies et que l’ouverture d’un établissement devait faire l’objet d’une déclaration auprès des autorités administratives (recteur qui transmet au maire, préfet et procureur de la République).
Quant au contrôle qui s’exerce sur le fonctionnement de l’établissement, il est triple.
En contrepartie du contrat passé entre les établissements et l’État, le Code de l’éducation institue un contrôle financier des établissements. Il incombe aux directions départementales et régionales des finances publiques.
Les établissements privés sous contrat font aussi l’objet d’un contrôle pédagogique réalisé par les inspecteurs d’académie-inspecteurs pédagogiques régionaux (IA-IPR). Il permet aux inspecteurs de visiter les établissements, de vérifier les horaires disciplinaires ainsi que la mise en œuvre des programmes d’enseignement.
Les écoles et établissements privés sous contrat sont enfin soumis à un contrôle administratif. Celui-ci relève de l’inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGÉSR) ainsi que du recteur d’académie Il porte sur l’observation des textes législatifs et réglementaires applicables à l’établissement et sur l’accomplissement des engagements souscrits par celui-ci. Il intervient généralement en cas de signalement d’un établissement.
Au terme de deux heures d’échanges et de réflexions, Jérémy Torresan a remercié Annick Billon pour la vigilance et l’attention qu’elle porte aux établissements privés sous contrat.
Bon élève de l’éducation nationale, l’enseignement privé sous contrat reste attaché à sa liberté pédagogique. Il est par ailleurs plus un sujet d’économies que de dépenses à hauteur de 2 milliards d’euros.
Véritable laboratoire de recherches et d’expérimentations pédagogiques, l’enseignement privé sous contrat est bien souvent copié dans ses concepts et ses pratiques. Un gage de qualité ?