Dans un « audit flash » rendu public le 1er juillet, la Cour des comptes dresse un premier bilan de la mise en place du pacte enseignant1.

C’est à l’occasion d’un déplacement dans un collège de l’Hérault en avril 2023 qu’Emmanuel Macron avait annoncé la mise en place, à la rentrée 2023, d’un pacte enseignant. Objectifs : répondre à la fois aux demandes de revalorisation salariale et au manque d’enseignants. Au delà, soulignent les hauts magistrats, il a « une ambition plus large » : transformer les pratiques pédagogiques et améliorer le service public d’éducation au bénéfice des élèves.

Le principe est simple : les enseignants acceptent des missions supplémentaires en échange d’une rémunération qui s’ajoute à leur salaire de base.
Au nombre de six pour les enseignants du premier degré et de onze pour les professeurs des collèges et lycées, ces missions vont des remplacements de courte durée aux stages de remise à niveau pendant les vacances (« Stages de réussite » et « École ouverte »), en passant par l’aide aux devoirs, le soutien ou l’approfondissement en 6ème, l’accompagnement des décrocheurs en lycée professionnel, l’appui à la prise en charge des élèves à besoins particuliers ou encore la conduite de projets d’innovation pédagogique.

Lors de la première année de mise en œuvre du Pacte (année scolaire 2023-2024), c’est près d’un tiers des enseignants qui s’est saisi du dispositif, ce qui « correspond aux objectifs initiaux », rappellent les auteurs. En tête des missions prises en charge, les remplacements de courte durée (22 %) suivis de la coordination des projets innovants (18 %), des « Devoirs faits » (15 %) et des stages de remise à niveau pendant les vacances (10 %).

Ces données cachent toutefois d’importantes disparités. Disparités entre les degrés d’enseignement, les types d’établissements, le profil des enseignants. Mais surtout disparités entre le secteur public et le secteur privé. « Au niveau national, le secteur privé sous contrat a présenté un taux d’engagement moyen de 50% de ses enseignants alors que ce taux a été de 27 % pour le secteur public, premier et second degrés confondus. » Un écart que tient au fait que les chefs d’établissement du privé, plus que leurs homologues du public, se sont saisis d’un dispositif de nature à accroître l’autonomie des établissements qu’ils appellent de leurs vœux. Un écart qui s’explique aussi la culture professionnelle de l’enseignement privé plus propice au déploiement d’initiatives pédagogiques.

Le bilan est plus mitigé pour la première partie de l’année scolaire 2024-20252. L’implication des enseignant a été moindre : « Alors qu’ils étaient 32 % d’enseignants participant au pacte en 2023-2024, leur taux moyen de participation public et privé confondus, se situe maintenant à hauteur de 29 %. » La baisse a été particulièrement significative dans le privé : « Au total, les enseignants du privé, qui étaient en moyenne 50 % à participer au pacte la première année, ne sont plus que 37 % en 2024-2025. » Une baisse qui s’explique par les nouvelles modalités du déploiement du pacte qui réduisent notablement l’autonomie laissée aux établissements : le renforcement des remplacements de courte durée et le plafonnement à 10 % de la part consacrée aux projets innovants plébiscités en 2023-2024 par les enseignants du privé.

Pour la Cour, « les nouvelles priorités ministérielles imposées à la rentrée 2024 [comme le remplacement de courte durée] ont marqué un retour à une logique descendante, source d’incompréhension ». Condamnant « la rigidification » du dispositif qui a « obéré les marges de manœuvre laissées aux écoles et établissements », elle en appelle à revenir à l’esprit initial du pacte : « un outil d’autonomie au service des équipes éducative ». Elle invite à un « nouvel équilibre en faveur d’une plus grande responsabilisation des équipes de terrain » et à l’octroi de « marges de manœuvre plus importantes au niveau local pour adapter davantage le dispositif aux besoins des élèves ».

  1. Cour des comptes, Le pacte enseignant, juillet 2025.
  2. Pour la deuxième année de mise en œuvre du pacte enseignant, le rapport prend appui sur les données qui vont de septembre 2004 à janvier 2025.

Véronique Glineur
Rédactrice en chef