« L’École n’a pas besoin, à chaque alternance politique, d’une nouvelle loi, avait confié Jean-Michel Blanquer lors de son installation rue de Grenelle. Elle peut se gouverner autrement ». Reste qu’après la loi Jospin en 1989, la loi Fillon en 2005, la loi Peillon en 2013, arrive une loi Blanquer !

Je crois pour ma part qu’elle n’est pas anodine et qu’on aurait tort de ne pas s’attarder à la décrypter.

Le 19 février dernier, les députés ont adopté, en première lecture, le projet de loi pour « une école de la confiance ». Abaissement de l’âge de l’instruction obligatoire à trois ans, création des établissements publics locaux d’enseignement des savoirs fondamentaux et de ceux d’enseignement international, mise en place des Instituts nationaux supérieur du professorat et de l’éducation et refonte de la formation initiale des enseignants, possibilité pour les assistants d’éducation inscrits à un concours pour devenir professeur ou conseiller principal d’éducation d’assurer des heures d’enseignement (Sic), extension du champ des expérimentations, évaluation des établissements par un Conseil d’évaluation de l’École … : le texte balaie un large spectre de thématiques a priori hétéroclites.

Pourtant, ces mesures traduisent une certaine vision de l’École, même si le ministre a soigneusement évité « la mise en débat du schéma d’ensemble qui engage en fait une réforme en profondeur du système scolaire français » comme le souligne à juste titre Xavier Pons dans une tribune publiée dans Le Monde. Cette vision rejoint des convictions fortes du Snceel, tant il s’agit de laisser des espaces d’initiative aux chefs d’établissement et à leurs équipes, dans le contexte spécifique qu’est celui de leur établissement.

Il en est ainsi de l’extension du champ des expérimentations. Elles concernent « l’organisation pédagogique de la classe, de l’école ou de l’établissement, la liaison entre les différents niveaux d’enseignement, la coopération avec les partenaires du système éducatif, les échanges avec des établissements étrangers d’enseignement scolaire, […] la répartition des heures d’enseignement sur l’ensemble de l’année scolaire dans le respect des obligations réglementaires de service des enseignants… »

Pour finir, en appelant de ses vœux la création « d’établissements publics locaux d’enseignement des savoirs fondamentaux », afin d’assurer une continuité éducative et pédagogique, du CP à la 3e, observons que le ministre s’inspire pleinement du modèle de nos ensembles scolaires, plébiscités par les familles.

Voici donc surgir, à nouveau, une contradiction de notre temps. Alors même qu’une rénovation de notre système éducatif s’amorce, en invitant le réseau public à s’inspirer de notre fonctionnement, où l’établissement est le bon niveau de décision et d’organisation, on voit apparaitre ici et là – donc pas partout – des directions diocésaines adeptes du centralisme et de la normalisation. Il serait grand temps d’arrêter avec les anachronismes et de concevoir que « faire réseau » n’est pas « administrer ». Il est totalement mortifère, en plus d’être excessivement coûteux, de se structurer toujours davantage. Il s’agit d’avancer au large et de plonger au cœur du monde, pas de dresser des étales bien agencées.

Pour une École de la confiance ? Résolument !

Vivien Joby

Président