C’était la mesure emblématique du « Choc des Savoirs » annoncé en décembre 2003 par Gabriel Attal, alors ministre de l’Éducation nationale, dans la foulée de la publication des résultats préoccupants de l’édition 2022 du programme international pour le suivi des acquis des élèves.
Elle devait « porter au plus haut les aptitudes des élèves, selon leur niveau, des plus fragiles aux plus avancés ; […] garantir à tous […] l’acquisition progressive et la maîtrise des connaissances et des compétences ; renforcer la confiance des élèves en leur capacité d’apprendre et de réussir au collège ».
En dépit des réserves formulés par de nombreux chercheurs et par les praticiens de l’École, la mesure a été mise en place à marche forcée à la rentrée 2024. Une année plus tard, le bilan est plus que mitigé, estiment l’inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche dans un rapport rendu public le 17 juin dernier1.

Les hauts fonctionnaires dressent plusieurs constats négatifs.
À commencer par la très forte disparité dans la mise en place des groupes de besoins. « Une majorité d’établissements a opté pour la mise en place de groupes de niveaux […] ; plusieurs collèges ont souhaité au contraire construire des groupes hétérogènes […] ; une infime minorité d’établissements a réellement opté pour la des groupes de besoins […] constitués en se référant aux acquis des élèves sur des compétences précises. » Par ailleurs, regrettent les auteurs, la constitution des groupes n’a que faiblement pris appui sur les évaluations nationales. Cette disparité, les inspecteurs généraux l’expliquent par « les évolutions des discours ministériels mentionnant successivement les termes ‘‘groupes de niveaux’’, ‘‘groupes de besoins’’ ou ‘‘groupes’’ qui ont fragilisé les réflexions qui devaient s’installer au sein de chaque collège ».
À cela se sont ajoutées des difficultés organisationnelles – moyens, ressources humaines, construction des emplois du temps, calendrier très contraints… – auxquelles se sont heurtés les établissements. Ces aspects ont mobilisé un temps considérable au détriment de la réflexion didactique et pédagogique qui n’a pas été à la hauteur des attendus.
En cause aussi, alors que le dispositif prévoyait de faire évoluer la constitution des groupes en fonction des progrès de chacun, la quasi-absence de mobilité des élèves entre les groupes. « Les collèges qui ont véritablement travaillé les enjeux de mobilité des élèves entre les groupes dans une perspective pédagogique restent très marginaux » constatent les rapporteurs. Conséquence, « les changements d’élèves entre les groupes ont été sporadiques et [n’ont concerné] dans la plupart des cas que quelques élèves ». Cet immobilisme a d’ailleurs satisfait tant les élèves que les enseignants : les premiers « au nom d’une recherche de stabilité relationnelle et émotionnelle », les seconds « pour des raisons relevant de difficultés organisationnelles et de préservation du lien construite avec les élèves ».

Quant aux objectifs visés par le dispositif – notamment le fait de « garantir à tous les élèves [des plus fragiles aux plus avancés] l’acquisition progressive et la maîtrise des connaissances et des compétences – ils sont loin d’avoir été atteints. En particulier « les élèves à les plus fragiles, ‘‘à forts besoins’’, n’ont clairement pas bénéficié des effets attendus de la mesure ».

Et pour cause, les enseignants ont peu fait évoluer leurs pratiques et peu modifié leurs gestes professionnels. « Faute d’une approche didactique de la difficulté scolaire », ils ont peiné à mettre en œuvre « un scénario didactique ciblé susceptible d’y remédier ». Trop souvent la réponse apportée aux difficultés des élèves a consisté en une baisse des exigences et une réduction ou un allégement des contenus d’enseignement ». Cette réponse, alertent les auteurs, induit « un risque fort de dérive des savoirs et des compétences enseignés entre les groupes et, par conséquent, entre les élèves » d’un même établissement. Par ailleurs, elle est de nature à fragiliser le retour en classe entière en début de 4ème.

La recommandation est claire : « [abandonner le] modèle actuel consistant à proposer une mise en œuvre uniforme des enseignements en groupes pour tous les élèves de 6ème et de 5ème sur l’ensemble des horaires disciplinaires de français et de mathématiques ». L’inspection générale invite, à l’inverse, à « renforcer l’autonomie des acteurs que sont les chefs d’établissement en les mettant en situation de définir avec leurs équipes une stratégie de réussite propre à chaque collège ».

Véronique Glineur
Rédactrice en chef

  1. Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche, Mise en place des groupes de besoins en français et en mathématiques au collège, avril 2025.