Dans les textes, l’École française présente une organisation scolaire complète de l’apprentissage de la citoyenneté ; la mise en œuvre des dispositions officielles est défaillante : tels sont les constats établis par le Cnesco dans une étude rendue publique le 13 janvier dernier.

Un engagement massif dans l’éducation à la citoyenneté

« La France se place en tête des pays européens par son investissement éducatif théorique » en matière d’éducation à la citoyenneté, rappelle le Conseil national d’évaluation du système scolaire (Cnesco). Cours d’éducation civique ou d’éducation civique juridique et sociale « clairement identifiés et, le plus souvent, dotés d’horaires spécifiques » ; instances participatives qui permettent l’engagement des élèves dans la vie de l’établissement ; projets d’action éducative : le modèle d’apprentissage de la citoyenneté est, sur le papier, fort complet.

Un enseignement « parent pauvre »

Entre l’investissement théorique décliné dans les programmes et les instructions officielles et la réalité vécue dans les établissements et dans les classes, le décalage est conséquent.
Côté enseignement, les heures affectées à l’éducation civique sont « intégrées le plus souvent à l’histoire-géographie [et] ne sont pas toujours dispensées dans leur totalité. » Une partie d’entre elles, insiste le rapport, est utilisée pour boucler les programmes dans les autres matières.
À cela s’ajoute, dans un pays qui accorde l’importance que l’on sait aux examens et à la notation, les faibles enjeux de l’évaluation de l’éducation à la citoyenneté. Et le Cnesco de rappeler que, si l’enseignement d’éducation civique fait l’objet d’une épreuve pour l’obtention du brevet et du bac pro, l’éducation civique juridique et sociale n’est pas évaluée au baccalauréat ».

Un déficit d’éducation à la citoyenneté pour les publics les plus démunis

Au lycée, les différentes voies de formation ne sont pas placées sur un pied d’égalité, dénonce le rapport. Les séries générales sont ainsi les mieux loties : « l’éducation civique juridique et sociale est inscrite dans les grilles horaires avec une demi-heure par semaine, une plage horaire donc clairement identifiée ». À l’inverse, dans la voie professionnelle, « le temps que les enseignants consacrent à l’éducation civique est très variable ». En cause, « le cadre horaire pour les trois années qui ne prévoit qu’un quota global de 380 heures à partager entre les enseignements de français, d’histoire et de géographie ».

Un faible engagement dans la vie de l’établissement

Conseils de classe, conseils de vie lycéenne, conseil d’établissement : les instances représentatives sont peu investies par les lycéens. Ils font aussi un usage très relatif de leurs droits. « Les lycéens ont le sentiment que les adultes de l’établissement ne légitiment pas leur parole, qu’elle n’est pas prise en considération, que certains sujets ne peuvent être abordés », explique le Cnesco. Conséquence de cette mise à distance des engagements des jeunes dans la vie de leur établissement, « les valeurs citoyennes de la République apparaissent hors sol et désincarnées ».

Pour un enseignement actif de la citoyenneté

Plus que le suivi de cours d’éducation civique, la participations des jeunes à des projets, à des débats, aux instance de gouvernance des établissements va de pair avec l’engagement et la participation citoyenne. Aussi le Cnesco plaide-t-il pour un apprentissage actif de la citoyenneté. Il devra être au cœur de l’enseignement moral et civique dont les projets sont actuellement soumis à consultation.

Véronique GLINEUR