Cette année, c’est l’académie de Bordeaux qui a accueilli, en juillet dernier, la session d’été du Snceel. Une session organisée de main de maître par Catherine Padovani (1), le bureau académique et François Bégards (2). Session au cours de laquelle ont alterné séances de travail, temps de convivialité et conversations impromptues au fil des pauses.

Au programme de ces journées, une analyse par Éric Hans des réformes éducatives qui n’ont pas manqué au cours des derniers mois… Le président du Snceel a invité les mandatés à prendre de la hauteur et à remonter à la philosophie qui les sous-tend : le libéralisme égalitaire. Il inspire les politiques publiques de lutte contre les inégalités économiques et sociales promues par le Président de la République qui reposent sur deux fondements : l’égalité des chances et la libération des énergies chez les individus. « Le premier s’illustre dans sa volonté de réformer l’éducation et de lutter contre les discriminations à l’embauche. Le second dans son engagement à combattre le chômage par la formation et la création d’emplois. »

La session d’été a aussi été l’occasion de faire le point sur les questions du moment : les relations avec les rectorats, les difficultés liées à la mise en place du statut unique du chef d’établissement, l’accroissement notable du nombre de chefs d’établissement qui vivent des situations difficiles, la réforme du lycée d’enseignement général et technologique, les conséquences de la volonté de maintenir le maillage territorial, la rémunération des suppléants…

Il fut aussi question de la nouvelle organisation territoriale de l’Éducation nationale qui conduira à instaurer de véritables régions académiques et avoir un nombre d’académies correspondant au nombre de régions, comme l’a annoncé le gouvernement. De quoi, a insisté Éric Persent, réactiver le protocole de coopération entre les délégués académiques dont le Snceel s’est doté en 2016.

L’installation du dispositif « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » a également retenu l’attention des mandatés du Snceel. Catherine Redon, Blandine Schmit et Éric Persent, en première ligne dans le dispositif de formation mis en place par l’organisation professionnelle, sont revenus sur les conséquences dont le PPCR est porteur pour les chefs d’établissement. Si dans le second degré, il induit, dans les relations avec les enseignants, un déplacement du centre de gravité du métier de chef d’établissement, il implique, dans le premier degré, un changement de culture. Celle ou celui qui a la responsabilité d’une école ne peut plus désormais être un professeur des écoles volontaire qui coordonne, organise le travail de ses pairs… Il doit assumer sa position de chef d’établissement, son rôle de manager à égale dignité de tous ceux à qui une tutelle donne mission de piloter un établissement.

Autres temps forts de cette session : les interventions de Benjamin Moignard et de François Dubet.

Benjamin Moignard qui étudie le climat scolaire a cherché à connaître la perception que les personnels des établissements catholiques ont de cette notion. L’enquête qu’il conduit a montré, entre autres, qu’il y avait beaucoup à faire dans le champ des relations entre adultes et, en particulier, entre enseignants. « Ce n’est pas la confrontation aux élèves qui pose problème, a insisté l’universitaire, mais la confrontation entre adultes. Le premier problème des acteurs de l’École, ce ne sont pas les élèves mais leurs collègues… et pourtant l’essentiel de l’action conduite par les chefs d’établissement et leurs proches collaborateurs est envisagé du seul côté des élèves. »  Et Benjamin Moignard, d’inviter les chefs d’établissement à faire de l’accompagnement des équipes « le cœur nucléaire du pilotage » des structures dont ils ont la responsabilité.

François Dubet, pour sa part, est revenu, entre autres, sur un concept cher aux adhérents du Snceel, celui d’innovation. « La longue sédimentation des traditions scolaires napoléonienne et républicaine ne pousse guère à l’innovation longtemps perçue comme une rupture de l’unité de l’École, a souligné le sociologue. Cette tradition attachée aux programmes, aux méthodes et aux évaluations nationales garantit aussi l’autonomie des enseignants dans leur classe au prix d’une inspection épisodique et un peu rituelle. Enfin, l’innovation est une activité collective supposant une équipe pédagogique homogène et mobilisée, ce qui n’est pas encore un pilier de la culture scolaire française. » En fait, pour François Dubet, beaucoup d’établissements innovent. Souvent ils le font parce qu’ils sont dans des situations difficiles. Ils construisent alors eux-mêmes leurs « bonnes pratiques ». Mais leur efficacité dépend peut-être moins des pratiques pédagogiques elles-mêmes que de la mobilisation des équipes partageant des mêmes objectifs et des mêmes manières de faire. Et le fin connaisseur du système éducatif d’appuyer « l’innovation exige des équipes homogènes et mobilisées. De son côté, le ministère, qui appelle à l’innovation mais ne la facilite pas toujours, devrait offrir un panel de bonnes pratiques dont les établissements pourraient s’inspirer, plutôt que de devoir les ‘‘inventer’’ en ayant chaque fois le sentiment de prendre un risque. »

 

  1. Déléguée académique.
  2. Administrateur.