Chers collègues,

Il y a tout d’abord l’École, ce formidable outil au service de la croissance intellectuelle et humaine des enfants de notre nation.

Il y a aussi l’école, ce lieu où l’on se retrouve, où toute une communauté éducative partage des moments de vie.

Jusqu’à présent l’un n’allait pas sans l’autre. Dans nos maisons, nous conjuguions l’art d’apprendre et celui du bien vivre ensemble. Soudain la rupture s’opéra. Brutale et sans appel. Un organisme de 0,1 micromètre fit voler en éclat ces belles constructions sociales qu’étaient nos établissements, avant d’ébranler le monde tout entier.

L’École survécut, mais nos écoles durent fermer leurs portes aux élèves, à l’exception de quelques ilots héroïques, sanctuarisés pour accueillir les enfants dont les parents montaient en première ligne pour combattre la mort.

Après huit semaines de confinement et de continuité éducative, à grand renfort d’outils numériques, l’opportunité nous est offerte de rouvrir nos maisons. Faut-il la saisir ou laisser les volets clos ?

Au vu du protocole sanitaire à mettre en place, copieux, contraignant à souhait, et susceptible d’engager notre responsabilité civile comme pénale, en cas de manquement, on peut légitimement s’interroger.

A la lecture de la circulaire de reprise, parue le 4 mai, pour laquelle on peut se poser la question de la réelle valeur ajoutée des dispositifs et des contenus présentés, notre interrogation peut encore grandir.

Quand les protocoles et les circulaires pèsent comme un couvercle et que notre fatigue nous entraîne vers l’abîme, faut-il encore se risquer au rendez-vous de la responsabilité ?

Beaucoup s’attendent à ce que je formule une réponse valable pour tous. Je n’en ai pas.

La responsabilité d’ouvrir à nouveau une école appartient au seul chef d’établissement. Le ministère de l’Éducation nationale ne dit pas autre chose. Le secrétariat général de l’Enseignement catholique ne dit pas autre chose. La loi ne dit pas autre chose.

Et, comme je ne suis jamais que l’un d’entre vous, pair parmi mes pairs, je vais simplement me contenter de vous expliquer pourquoi je souhaite, au final, ne pas laisser ma porte close.

En me souvenant des belles choses, je me rappelle que je fais ce métier pour participer à la construction d’une société plus juste, plus fraternelle, plus joyeuse aussi. Rouvrir mon établissement c’est refuser l’espoir vaincu et ne pas laisser la peur construire demain.

Je serai modeste pour être capable d’assumer ma responsabilité. Tous les élèves qui le souhaitent ne pourront pas venir.

Je sais aussi que je ne serai pas seul pour les accueillir, car je peux compter sur des équipes enseignantes et des personnels Ogec qui ont déjà démontré leur engagement et leur dévouement. Nous préparons ensemble l’accueil des jeunes.

Enfin, je suis assuré du soutien des mandatés et des services du Snceel, qui n’ont eu de cesse de nous accompagner dans la traversée de cette crise, en conseillant, en produisant les outils dont nous avons besoin pour prendre les bonnes décisions.

Le Snceel sera aussi présent aux côtés des chefs d’établissement qui auront fait le choix de ne pas ouvrir leur établissement, parce qu’en conscience, ils auront estimé  que cela n’était pas possible. Une fois encore, ce choix difficile appartient à chacun.

A tous, je vous dis ma fierté d’être Président du Snceel en ces heures sombres, quand je vois le travail remarquable que vous accomplissez, les trésors de courage et d’énergie que vous déployez depuis de nombreuses semaines. Être chef d’établissement, c’est exercer un métier, s’engager dans une mission. A bien des égards vous avez sublimé les deux.

 

Vivien JOBY
Président du SNCEEL