Le changement en éducation ne se décrète pas et souvent il y a loin des intentions politiques aux réalisations pratiques.
En cause souvent les résistances au changement ramenées, un peu rapidement, à une forme de cécité intellectuelle ou de conservatisme et de défense d’intérêts spécifiques. Elles gagneraient, comme l’explique Hugues Draelents[1], à être analysées comme « la manifestation d’une épreuve de légitimité posée aux réformes en éducation ».
Pour obtenir l’adhésion des acteurs locaux au changement, ce dernier ne saurait seulement correspondre aux prescriptions normatives dominantes, c’est-à-dire se réclamer d’une légitimité morale. Il ne saurait pas non plus s’appuyer seulement sur les savoirs des experts, pourvoyeurs de légitimité cognitive. Si l’une et l’autre sont nécessaires et se construisent prioritairement en amont, lors de la conception de la réforme, elles ne sont pas suffisantes. Elles doivent aller de pair avec la légitimité pragmatique ou fonctionnelle qui, elle, se construit largement en aval, à l’occasion de la mise en œuvre de la réforme dans les établissements scolaires, dans les classes… c’est-à-dire là où le changement se joue de façon décisive.
« La légitimation d’une réforme éducative ne peut se réduire à avancer des idées valides scientifiquement et moralement, elle requiert une réflexion pragmatique sur le fonctionnement réel du système éducatif, sur les difficultés et contraintes professionnelles dans lesquelles sont plongés les acteurs scolaires au quotidien[2]. » Encore faut-il, pour ce faire, donner la parole aux acteurs, écouter ce qu’ils ont à dire, prendre en compte leurs points de vue, comprendre leurs logiques d’action et la manière dont ils perçoivent la réforme. Toutes choses qui sont fonction de leurs contextes d’action.
Sans cet effort de « compréhension sociologique », le risque est grand, pour les responsables politiques, de proposer des mesures politiques inaudibles parce que totalement déconnectées des contextes d’action des acteurs impactés par les réformes.