Lorsque Vincent Peillon prit ses fonctions, en mai 2012, il s’est livré à un inventaire peu flatteur pour notre système éducatif : « Notre système éducatif est atteint en son cœur. Pour la nation, ce dysfonctionnement est un insupportable gâchis humain, social, économique. »

On se souvient des alertes : les 150 000 jeunes qui quittent le système sans qualification, le taux de doublement, notamment à l’issue de la classe de seconde… Aujourd’hui, où en sommes-nous ? Deux ministres ont succédé à Vincent Peillon. Deux opérations d’envergure ont été lancées, comme sait le faire l’administration : la conférence de consensus sur le doublement, et la conférence nationale sur l’évaluation des élèves.

Faut-il attendre des initiatives de la rue de Grenelle qu’elles changent la vie ? Le système doit-il se réformer de l’intérieur ? En clair, faut-il attendre que nous soit donné le signal du changement ? La fragilité de la loi pour la refondation de l’École vient de ce que ses articles sont tout à fait indissociables les uns des autres. Il est absolument exclu que ne soit retenu que tel ou tel principe. Prenons le temps scolaire. Nous sommes tous convaincus que sa répartition est absolument fondamentale. En dehors des polémiques relatives aux rôles respectifs des écoles et des communes,  ce que les médias ont appelé « les rythmes scolaires » constitue une vraie question. Or, y a-t-il une volonté vraie d’avancer sur la voie d’une harmonisation avec nos voisins européens ? Se pose alors la question des vacances ! La nation est-elle prête à évoluer vers un système allemand ? Aussi, vouloir changer la semaine de quatre jours pour y ajouter une demi-journée supplémentaire sans changer plusieurs « briques » à l’édifice nous contraint à l’inefficacité et aux débats à la française, partisans et négatifs. Sauf à imposer les choses pour des raisons éminemment politiques.

Représentant le Snceel au Conseil supérieur de l’éducation, je constate que la volonté des ministres successifs d’en finir avec l’échec scolaire, de faire progresser le niveau et de nous approcher des résultats qu’obtiennent nos voisins est bien réelle. Le risque du débat de spécialistes est toutefois omniprésent.
Lors de ses interventions pendant la concertation du printemps 2012, Roger-François Gauthier n’a eu de cesse de souligner combien il était urgent de réformer le système. De même, c’est une recommandation forte qu’il a délivrée  lors de la session d’été devant les mandatés du Snceel1 : l’éducation nationale doit être plus au clair avec ce qu’elle attend des élèves ! Pour ma part, je n’évoquerai ici que la question du socle commun de connaissances, de compétences et de culture et ce qui en est fait. C’est-à-dire, peu de cas…
Alors, avec vous, je fais une fois de plus le constat que si les intentions sont bonnes, la réalité, elle, est décevante. Je constate que les débats sur la chose scolaire sont l’objet d’affrontements entre spécialistes, que des instances mises en place sont peu productives, que les élèves entrent et sortent toujours du système scolaire par la « petite » ou la « grande porte ». Tout est fonction du contexte familial, sociologique et environnemental.

À l’expérience, nous savons que ce système ne peut plus fonctionner comme par le passé. Comment l’École pourrait-elle encore longtemps ignorer notre monde globalisé auquel nous devons préparer les jeunes ? Doit-on se satisfaire plus longtemps de l’organisation de nos voies et séries en lycée au moment où une simplification des formations est attendue ? 600 spécialités de diplômes existent dans l’enseigne-ment technique et professionnel !
Certes, tout est dit dans la loi, mais les focus qui n’échappent pas aux effets de la médiatisation sont largement insuffisants : aujourd’hui, la suppression du doublement, demain une évaluation positive, après-demain la généralisation du contrôle continu… L’éducation ne peut céder ni à la facilité ni aux effets de mode.
Je voudrais avoir raison de rêver d’une École qui donne envie, qui fait réussir, qui donne ses chances à tous. Une École qui fait dire à tous les élèves : « J’aime l’École ! »
Le philosophe Alain écrivait : « Si je crois que l’enfant que j’instruis est incapable d’apprendre, cette croyance écrite dans mes regards et dans mes discours le rendra stupide ; au contraire, ma confiance et mon attente est comme un soleil qui mûrira les fleurs et les fruits du petit bonhomme2. »
Le temps scolaire, l’orientation choisie, l’évaluation des élèves, le doublement, le rapport entre le socle commun et le DNB…  sont autant de leviers interdépendants sur lesquels il faut agir pour que la nation puisse s’enorgueillir d’un système où le jeune est vraiment au centre et non plus à la périphérie…

Didier RETOURNÉ
Secrétaire du Bureau


1. Sur l’intervention de Roger-François Gauthier lors de la session d’été, Cf. « Plaidoyer pour une révolution scolaire », in Fiches Snceel 684 d’octobre-novembre 2014 (pp.31 à 37).
2. Alain, Propos d’un Normand (1912).