Les sanglots longs
Des violons
De l’automne
Blessent mon cœur
D’une langueur
Monotone. 

Ces vers de Paul Verlaine, dans son poème « Chanson d’Automne », sont connus pour annoncer un événement libérateur. En entête de ce courrier, il n’en est rien.
La crise sanitaire s’installe durablement et c’est un nouveau protocole qui tient lieu de débarquement. Une menace terroriste se fait jour et nous invite à la plus grande vigilance. Cet automne est vraiment pourri !

Les cordes des violons vibrent d’un adagio déchirant pour Samuel Paty, Nadine Devillers, Simone Barreto Silva, Vincent Loquès, tous arrachés sauvagement à la vie.
La monotonie des jours s’affirme avec le retour d’un nouveau confinement, sinistre écho du précédent qui avait empêché le printemps d’éclore.

Dans cet horizon où le présent et l’avenir se confondent dans des nuances de gris, je pense à vous tous qui, lundi 2 novembre 2020, allez vivre une reprise si particulière, après avoir déjà tant donné ces derniers mois. A nouveau, tenez bon !

Les prochaines semaines vont être décisives pour l’ensemble du système éducatif comme pour notre pays tout entier. Il est question de résistance, et nous serons au cœur de cette résistance.
Parmi les derniers maillons intacts de notre système social, les établissements scolaires sont appelés à cultiver les liens au sein de communautés éducatives et ce faisant, à maintenir une unité dans la Cité pour toute la communauté humaine. Soyons inventifs, audacieux, afin de rester en contact avec notre tissu social : associations, entreprises, pouvoirs publics.
Remparts contre l’obscurantisme, nos écoles ont également une responsabilité devant l’Histoire, au regard de leur double mission héritée de l’Église et de l’État. Celle d’affirmer une conception de l’Homme qui célèbre la dignité de toute vie humaine et la fraternité entre les peuples, tout comme celle qui fait de l’apprentissage de la citoyenneté, le creuset de notre démocratie et de notre art de vivre à la française.

Certes, nous allons être à nouveau malmenés, écartelés à tenir les deux bouts, entre des effets d’annonces et une réalité qui s’en accommode très mal. Comme d’habitude, nous aurons à faire du vendredi pour le lundi et s’en plaindre sera mal venu.
Et après ? Au final, ce qui est important c’est de permettre à nos élèves de poursuivre leurs études, de préserver un peu de leur vie sociale, et pour tout dire, de sauver une parcelle de leur enfance ou de leur adolescence.
Quand l’automne redeviendra une symphonie de couleurs chatoyantes et que les événements tragiques de cette année ne seront plus que du compost, nos jeunes se souviendront alors des adultes qui se tenaient debout devant eux au quotidien : leurs parents, leurs enseignants et leur chef d’établissement. Le reste sera parti au vent mauvais.

A l’entrée du 166 boulevard du Montparnasse, il est écrit « chef d’établissement : un métier, une passion ! ». Nous sommes le Snceel !

Vivien JOBY
Président du SNCEEL