En mars dernier, je transmettais à AFAE un article intitulé « En attendant Copernic », qui fut publié début juin dans la revue de cette organisation. J’y affirmais qu’au-delà des réformes subies à chaque nouvelle prise de fonction d’un ministre, il fallait envisager une véritable révolution, tant les acteurs du système éducatif étaient à bout de souffle, et plus grave encore, tant l’École ne remplissait plus le contrat social qui la liait à la nation.
Le 25 août, le président de la République intervint devant l’assemblée des recteurs. Il les appela à opérer une véritable révolution copernicienne quant à l’organisation de notre système éducatif !
Bien entendu, l’expression « révolution copernicienne » ne possède pas de copyright et chacun est libre de l’utiliser depuis quelques siècles. Mais quel ne fut pas mon bonheur en constatant que d’un modeste président d’organisation professionnelle à un grand homme d’État, nous pouvions partager le même sentiment : le grand soir allait enfin avoir lieu. Fini les Grenelle maintes fois rejoués, d’un bout à l’autre du système, de l’atome à l’étoile, nous allions révolutionner l’univers scolaire. Par Jupiter, quelle bonne nouvelle !
Malheureusement, si nous utilisions la même expression, nous ne mettions pas la même intensité dans l’intention… visiblement.
Ce que notre président et les ministres qui l’accompagnent semblent oublier, c’est que, pour définir son système héliocentrique, Copernic réfuta le modèle de Ptolémée en proposant de nouveaux axiomes. Ainsi, pour refonder, il ne suffit pas de tordre la réalité – à la manière de Ptolémée et de ses équants – mais bien de poser de nouvelles bases de réflexion et d’action.
Aussi, poserais-je trois questions fondamentales avant de parler d’organisation collective, de cycles de formation, de statut scolaire ou d’alternance, de programmes…
Quelle vision de l’homme avons-nous, au-delà de sa qualité de citoyen à laquelle nous ne pouvons le réduire ?
Pouvons-nous considérer un État-nation qui se construit aussi depuis des territoires de vie et pas uniquement de manière centralisée ?
Sommes-nous prêts à accorder une véritable autonomie aux acteurs de terrain afin de contextualiser leur action éducative ?
Le sens avant l’organisation. La stratégie avant la tactique.
Vivien JOBY
Président du SNCEEL