« Le lycée devrait être la prochaine étape de nos réformes [qui devrait] concerner aussi bien le lycée d’enseignement général que le lycée professionnel», a annoncé François Hollande à l’occasion d’un déplacement à Orléans, lieu mythique dans la symbolique de la gauche. C’est en effet dans la capitale de la région Centre Val de Loire qu’en 2012 celui qui était alors candidat à la présidence de la République avait prononcé son « grand discours sur l’École et la Nation ».

On imagine mal qu’un tel chantier soit engagé en fin de quinquennat. On formulera par ailleurs le souhait qu’il ne soit pas ouvert avant qu’aient été tirés les enseignements des dernières réformes de ce maillon du système éducatif sur lequel la loi pour la refondation de l’École de la République a fait l’impasse. En novembre 2015, Najat Vallaud Belkacem a fait revenir le lycée à l’agenda officiel, non sous forme d’une évaluation, mais d’une série de réunions associant organisations syndicales et professionnelles, parents, lycéens… Une formule qui permettait d’enterrer le bilan des réformes ?

L’ouvrage que publient trois chercheurs du Cren, Le baccalauréat professionnel : impasse ou nouvelle chance ? (1), tombe en conséquence à point nommé. Les auteurs qui ont conduit trois enquêtes auprès de cinq cents lycéens analysent la réforme entrée en vigueur en 2009. Elle a mis en place « un parcours en trois ans au lieu de quatre pour accéder au titre de bachelier à partir de la classe de 3e et, en faisant sauter le verrou du BEP […], elle a égalisé la durée de la scolarité de l’ensemble des lycéens, qu’ils suivent une voie générale, technologique ou professionnelle ». Ce faisant, elle a induit une transformation majeure de la scolarité de plus de 600 000 lycéens. Et pourtant, soulignent les auteurs, elle a été accueillie dans « une totale indifférence » alors que, dans le même temps, la suppression de l’enseignement de l’histoire en terminale S suscitait une vive émotion et mobilisait, à son encontre, « le gotha des historiens français, associés à quelques grands noms de l’intelligentsia ».

Pour Vincent Troger, Pierre-Yves Bernard et James Massy, « si la réforme n’a rien changé au recrutement très majoritairement populaire des lycées professionnels, elle a en revanche assez profondément infléchi la manière dont ce public investit désormais cette filière de formation […] ». Elle a en effet permis à des jeunes originaires de milieux modestes et en indélicatesse avec la forme scolaire traditionnelle d’accéder à une formation qui avait sens pour eux et leur ouvrait les portes de l’enseignement supérieur, via les STS. Certes les parcours des bacheliers professionnels dans ces sections restent difficiles : En 2014, seuls 60 % d’entre eux ont obtenu leur diplôme. Reste qu’un pas a été franchi tant en termes d’aspiration à la prolongation d’études que de représentation symbolique. Une fraction importante des élèves inscrits en LP souhaite poursuivre des études au-delà du baccalauréat dans l’enseignement supérieur technologique. Par ailleurs, la voie professionnelle ne saurait plus aujourd’hui être regardée comme occupant « une position subalterne dans la hiérarchie scolaire ».

La voie professionnelle est donc aujourd’hui le moyen pour certains élèves de faire la preuve de talents que l’enseignement général ne sait pas reconnaître. Quant aux 40 % qui ont échoué au BTS, leur succès au bac leur a redonné confiance en eux dans un parcours qu’ils assument, estiment les auteurs. Demeurent toutefois, pierre d’achoppement de la réforme, les 25 % de lycéens professionnels qui ne décrochent pas leur bac et dont le devenir pose problème, le bac pro devenant la norme pour accéder aux activités d’exécution.

Michèle Coirier

Première vice-présidente

1. Vincent Troger, Pierre-Yves Bernard, James Massy, Le baccalauréat professionnel : impasse ou nouvelle chance ? Les lycées professionnels à l’épreuve des politiques éducatives, Presses universitaires de France, août 2016.